Benji de « A Real Pain » : Boulet ou Véritable Douleur ?
Alors, parlons de Benji. Est-ce que Benji, le personnage du film « A Real Pain », est vraiment pénible ? La question mérite d’être posée, n’est-ce pas ? Après tout, le titre du film lui-même, « A Real Pain », nous met déjà la puce à l’oreille. On se dit que le gars ne doit pas être facile à vivre, et les premières critiques ne font que confirmer cette impression. Mais est-ce aussi simple que ça ? Est-ce qu’il est juste de réduire Benji à un simple boulet ambulant ? Plongeons-nous dans le personnage pour y voir plus clair.
Dans « A Real Pain », Benji, interprété avec brio par Kieran Culkin, n’est pas diagnostiqué cliniquement. On ne reçoit pas de carte de visite « Benji Kaplan, Bipolaire Certifié ». Mais soyons honnêtes, le film sème des indices gros comme ça. On parle de symptômes qui évoquent furieusement le trouble bipolaire. Et ce n’est pas juste une intuition de spectateur lambda. Les critiques spécialisées, comme celle du Detroit News, soulignent clairement cette interprétation. Alors, trouble bipolaire ou pas, il y a clairement quelque chose qui cloche chez Benji, quelque chose qui le rend… disons, particulier.
Les experts évoquent aussi d’autres pistes. Le trouble de la personnalité borderline, par exemple. Comme l’explique Johns Hopkins Medicine, ce trouble se caractérise par une instabilité émotionnelle, des relations interpersonnelles chaotiques, et une impulsivité marquée. Ça vous rappelle quelqu’un ? Oui, Benji. Ajoutons à cela une possible dépression, peut-être exacerbée par le deuil de sa grand-mère. Et là, on commence à dresser un portrait complexe, loin du simple « boulet ».
Ce qui frappe chez Benji, c’est son instabilité émotionnelle. Le critique du Detroit News parle d’une « bombe émotionnelle ». Charmant, non ? Culkin, lui, incarne ça à merveille. Il est constamment sur le fil du rasoir, prêt à exploser à tout moment. Et, forcément, ça déteint sur son entourage. Son cousin David, interprété par Jesse Eisenberg, en fait les frais. David, le cousin réservé, prudent, voit sa vie basculer dans un tourbillon dès que Benji débarque.
Le manque de tact de Benji est aussi un élément central. Il dit tout ce qui lui passe par la tête, sans filtre, sans se soucier des conséquences. Les gens ne savent jamais sur quel pied danser avec lui. Un coup il est hilarant, un coup il est blessant. C’est déroutant, pour ne pas dire épuisant. Son cousin David, qui se sent responsable de lui, est particulièrement agacé par ce manque de tact. On le comprend, n’est-ce pas ?
Mais attention, réduire Benji à un simple manque de tact serait trop facile. Il y a une histoire plus profonde derrière tout ça. On apprend que Benji a déjà tenté de se suicider six mois auparavant. Une overdose de somnifères, rien que ça. David révèle aussi que les deux cousins se sont éloignés. On sent une distance, une tension palpable entre eux. Benji semble perdu, sans direction, sans but précis. Le voyage en Pologne, censé honorer la mémoire de leur grand-mère, va les confronter à leurs propres démons.
Ce voyage en Pologne, d’ailleurs, est révélateur. Benji se révèle capable de se lier d’amitié avec les membres du groupe, mais aussi de les repousser. Il peut être l’âme de la fête, celui qui met l’ambiance. Et l’instant d’après, il peut tout gâcher, tout faire déraper. Ses sautes d’humeur sont déconcertantes. Le film nous montre ces deux facettes de Benji. Le Benji attachant, drôle, et le Benji insupportable, imprévisible.
Certains y voient une stratégie. Benji jouerait le rôle du « fou du roi », du bouffon. Il utiliserait l’humour comme une carapace, comme une échappatoire. « Les gens aiment rire », se dit-il peut-être. Mais ce rire est souvent jaune, teinté de malaise. Benji se réfugie dans l’humour et l’évasion plutôt que d’affronter sa douleur. C’est une forme de fuite, une manière d’éviter de regarder ses problèmes en face.
Et puis il y a cette scène à l’aéroport. Après le voyage, Benji refuse de rentrer chez lui. Il préfère rester à l’aéroport, au milieu de « ces gens fous » qu’il y croise. Étrange, non ? On peut y voir plusieurs interprétations. Peut-être a-t-il besoin de temps pour digérer ce voyage, pour faire le point. Mais l’interprétation la plus évidente, c’est qu’il n’a pas de chez lui. Le film suggère que Benji est peut-être sans-abri, ou du moins, dans une situation de logement très précaire.
Quand David lui propose de le déposer à la gare, Benji décline. Il n’a pas de destination précise à Binghamton. Plus tard, à New York, il refuse les invitations de David à dîner chez lui, à le raccompagner. Ces détails, accumulés, dessinent un portrait troublant. Benji est en errance, non seulement géographique, mais aussi existentielle. Son état émotionnel est fragile. Le deuil de sa grand-mère, sa tentative de suicide, tout cela contribue à cette impression de déracinement.
Alors, « A Real Pain », vraiment ? Oui, Benji peut être une vraie plaie. Il est agaçant, déstabilisant, parfois même insupportable. Mais il est aussi bien plus que ça. Le film explore la complexité du deuil, les traumas transgénérationnels, l’importance des liens familiaux. ‘A Real Pain’ Review: Dark humor and deep wounds souligne d’ailleurs l’humour noir et les blessures profondes qui traversent le film. Benji et David sont deux cousins éloignés qui se retrouvent pour honorer la mémoire de leur grand-mère, une survivante de l’Holocauste. Un voyage dans l’histoire familiale, et dans leur propre histoire.
Le film met en lumière le coût de l’isolement personnel, la nécessité de la connexion humaine. Benji et David représentent deux extrêmes dans la manière d’affronter la douleur. David la refoule, Benji l’exprime de manière explosive, bruyante, impossible à ignorer. Les deux approches sont imparfaites, bien sûr. Mais elles révèlent une vérité profonde sur la condition humaine.
Alors, Benji, boulet ou douleur ? La réponse est sans doute nuancée. Oui, il peut être pénible, agaçant, voire exaspérant. Mais il est aussi le symptôme d’une souffrance plus profonde, d’une douleur réelle. Et c’est peut-être ça, le véritable enjeu du film. Nous faire regarder au-delà des apparences, au-delà du comportement parfois déroutant de Benji, pour entrevoir la vulnérabilité, la fragilité qui se cache derrière. Et qui sait, peut-être, reconnaître un peu de nous-mêmes en lui. Après tout, qui n’a jamais été, à un moment ou à un autre, « un peu pénible » ?
Pour aller plus loin sur la question des troubles bipolaires et de leur représentation, vous pouvez consulter cet article intéressant sur l’analyse de la représentation du trouble bipolaire dans la série Homeland. Cela permet de mettre en perspective le personnage de Benji et de mieux comprendre les enjeux liés à cette condition.